Maintien des taux directeurs à zéro jusqu'en 2023 : les enseignements du FOMC

17 septembre 2020

FOMC | Fédéral | Banque

Hier, le président de la Réserve fédérale américaine a fourni une orientation à long terme (forward guidance) consistant à maintenir les taux à leur niveau actuel tout en relevant les prévisions d'inflation et de création d'emplois pour soutenir la croissance du PIB. Que retenir de cette réunion ? Que reflète cette évolution du discours de la Fed et comment rationaliser la réaction des marchés ?

 

1- Mise à jour des prévisions économiques

Le message sous-jacent de la révision des prévisions traduit une amélioration de la reprise au second semestre de l'année 2020, tant sur le plan du PIB que sur celui du chômage, avec des pressions déflationnistes moins importantes que prévu initialement en juin. Cela explique pourquoi, partant d’une meilleure base pour 2020, le rythme de croissance en 2021 est légèrement plus faible qu'auparavant, mais globalement la trajectoire de croissance en 2020-2022 est meilleure que ce qui était prévu en juin.

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On peut remarquer deux choses à partir de ces prévisions :

  • Jusqu'en 2023, le taux de chômage reste inférieur au niveau cible de la Fed, ce qui justifie une position accommodante prolongée ;
  • Les données relatives à l'inflation restent en dessous de l'objectif à moyen terme de 2% jusqu'en 2023, mais la Fed est confiante que cette année-là (ce qui correspond plus à un horizon à moyen terme qu'à une prévision précise), la reprise de l'économie permettra de relancer l'inflation vers l'objectif à moyen terme.


Ces chiffres pour l'année entière, axés sur l'inflation PCE, n'exclut évidemment pas des pics d’inflation mensuelles dû à des effets de base à court terme, que la Fed semble prête à relativiser.

2- Un bon guidage prospectif (forward guidance), mais pas de stimulus supplémentaire

En effet, Jerome Powell avait déjà ouvert la voie au symposium de Jackson Hole pour une adaptation de la stratégie de ciblage de l'inflation de la Fed. Des éclaircissements supplémentaires ont été apportés sur ce sujet hier ; non seulement le FOMC peut accepter des poussées temporaires d'inflation au-dessus de l'objectif de 2%, mais « le Comité visera à atteindre une inflation modérément supérieure à 2% pendant un certain temps afin que l'inflation atteigne une moyenne de 2% dans le temps ». L'objectif de la Fed est clairement d'ancrer les attentes en matière d'inflation à 2%, et la Fed laissera les taux d'intérêt inchangés jusqu'à ce que le marché du travail atteigne un objectif « d'emploi maximum » et jusqu'à ce que l'inflation soit « en voie de dépasser modérément 2% pendant un certain temps ».

3- Position dovish sur les risques entourant la reprise et préconisation d’une action budgétaire accrue

Au-delà de cette orientation politique et de ces indications pour l'avenir, le langage adopté par Jerome Powell concernant les risques entourant la reprise économique et notamment la pandémie, ainsi que l'orientation de la politique budgétaire, restent prudents. Toutefois, ces commentaires sur le virus sont inchangés depuis la dernière réunion du FOMC ("la crise sanitaire actuelle fait peser des risques considérables sur les perspectives économiques à moyen terme"). Ce sont plutôt les commentaires sur la nécessité d'une relance budgétaire supplémentaire qui ont été perçus négativement.

4- Décryptage de la réaction du marché

Dans l'ensemble, la réaction a été plus sensible sur les marchés des actions que sur les marchés obligataires et des changes.
Sur les actions, les styles de croissance et de momentum ont perdu du terrain, les bénéfices prenant le pas sur la technologie contre une rotation vers les valeurs cycliques, comme l'énergie. Toutefois, ce mouvement n'est pas soutenu par une forte pentification de la courbe des taux (hausse de 3 pb, partiellement inversée ce matin). Sur les devises, les porteurs d'USD ont pu s'attendre à plus d'activisme de la Fed et pouvaient être déçus, entraînant une modeste appréciation du billet vert à 1,175, mais revenant vers 1,18 ce matin.

Il y a plusieurs façons d'expliquer la réaction négative des marchés boursiers hier :

  • Quelques incertitudes sur la mesure et la durée pendant laquelle le FOMC pourrait tolérer un dépassement de l'inflation, 
  • L'absence de stimulus supplémentaire malgré un ton dovish
  • Le commentaire concernant la nécessité d'une nouvelle relance budgétaire comme mentionné ci-dessus,
  • Quelques hésitations apparentes dans les réponses du patron de la Fed sur sa confiance dans la réalisation de l'objectif d'inflation de 2%.


L'absence de mesures de relance supplémentaires devrait être relativisée étant donné que le FOMC a répété son intention de continuer d’augmenter la taille du bilan de la Fed en achetant des bons du Trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires (MBS) « au moins au rythme actuel ».

5. Quelles Implications pour notre stratégie d'investissement ?

Nous pensons que cette réunion du FOMC est importante en termes de fonction de réaction et forward guidance, mais qu'elle ne constitue pas un game-changer en termes d'allocation d'actifs. Les banques centrales confirment qu’elles n’entrevoient pas de hausse des taux d'intérêt avant un certain temps et que l'on peut s'attendre à davantage d'achats d'actifs si nécessaire.
Les incertitudes concernant la fonction de réaction de la Fed alimentent logiquement la volatilité, dans la mesure où l'action des banques centrales est à l'origine de la reprise des actions depuis mars, mais la situation globale reste accommodante sur le plan monétaire.

Cela constitue toujours un cadre constructif pour les investisseurs, même si l'on peut sentir une forme de rotation des facteurs dominants du marché. Si le soutien des banques centrales est pleinement pris en compte, les facteurs dominants du marché pourraient laisser la place à des facteurs macroéconomiques tels que la croissance, ce qui expliquerait une plus grande attention portée à la trajectoire de la reprise et aux risques qui l'entourent. La nervosité face à la reprise pourrait continuer à générer de la volatilité sur les marchés. Les obligations indexées sur l'inflation parient sur la capacité de l’institut monétaire à ancrer les attentes des investisseurs, en accord avec nos propres investissements sur ce segment.

Un risque plus important pour les actions de qualité et de croissance et pour les actions technologiques serait une forte pentification des courbes de taux, mais nous ne prévoyons pas ce scénario à ce stade, nous confirmons donc notre préférence relative pour les actions de qualité et les thèmes de croissance séculaire, tout en conservant une exposition raisonnable aux actions de style value.

 

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17 septembre 2020

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